Le design est une activité souvent mal vue lorsque l’on parle d’écologie, de social, d’environnement… Et pour cause ! On le lie particulièrement aux tendances éphémères et on imagine facilement la surproduction d’objets divers dans de grandes usines toxiques situées quelque part en Asie. Mais c’est une pensée très réductrice de ce qu’est et ce que peut faire le design, dont le travail est censé accompagner les changements de ce monde.
De là, émerge donc une tendance au design éco-responsable, dit “éthique”. Du fait de cette nouvelle mode, on pourrait penser que cela profile un certain “collibrisme”, d’une nouvelle étiquette apposée sur un métier pour le rendre plus écolo. On pourrait penser également que le design responsable se résume à faire de petits gestes. On pourrait même crier parfois au greenwashing, tant l’expression de design éco-responsable est utilisée comme caution pour certaines entreprises, à l’image du marketing vert. Cela étant dit, faire de petits gestes est un bon point de départ, mais cela ne fait pas d’un projet de design un projet responsable pour autant.
Je vais donc m’attacher dans cet article à dégager quelques principes de base pour un design responsable ainsi qu’imager l’ensemble en faisant cas de ma pratique.
Définition : faire du design avec sens et intention
Produire ou communiquer ne sont pas des actions sans impact, d’un point de vue tant social qu’écologique. Le design responsable est une pratique du design qui a conscience de cet impact. C’est une approche de conception raisonnée, qui prend en compte toutes les parties prenantes d’un projet : des humains à l’environnement dans lequel le projet va s’inscrire, l’ensemble est réfléchi de façon à préserver et respecter l’ensemble du vivant et des écosystèmes. Cette approche prend donc en compte la justice sociale et climatique, réfléchis à son possible impact sur le vivant, à la nécessité même du projet. C’est donc une approche assez globale du design qui demande une certaine prise de recul quant à la pratique et se redéfinit chaque jour afin d’évoluer au mieux pour notre monde.
Principes pour un design conscient
Voici donc quelques principes pour une approche de conception responsable :
– Travailler avec sens et intention : le designer responsable s’attache à se poser certaines questions avant de démarrer un projet, puis tout au long de ce dernier. Le projet est-il responsable ? Car faire du design pour un projet ou une entreprise de fast-fashion en parlant d’éco-responsabilité, cela se nomme du greenwashing. Quels sont les besoins réels du projet ? Qu’est-ce qui apporterait une réelle plus-value au projet ? Quel va être l’impact de ce projet ? D’un point de vue social ? D’un point de vue écologique ? etc.
– Penser durable : que cela concerne des produits ou la communication comme c’est le cas pour le design graphique, l’obsolescence programmée est à bannir radicalement. Le but est donc de travailler avec stratégie et intention pour envisager le projet de façon pérenne.
– Raison et modération : moins, mais mieux ! Ce qui d’un point de vue esthétique ne signifie pas de faire du minimalisme à outrance. Car le projet doit être façonné par l’environnement dans lequel il va s’inscrire. Par exemple, si le projet s’adresse à des jeunes enfants, il n’est pas certain qu’une allure sobre et fine soit de mise… Moins, mais mieux, certes, mais surtout en accord avec les besoins réels qu’implique le projet.
– Inclusivité : éviter bien entendu tout stéréotype, mettre des gens dans des cases n’est pas socialement soutenable. Cela demande une grande empathie, il faut se mettre à la place du public pour observer ce qui peut porter atteinte.
– Réflexion : une réflexion approfondie est menée sur les supports, les matériaux et ressources, l’énergie utilisée, la production, le traitement du projet, sa durabilité, etc.
– Transparence : cela va de soi, un design responsable est transparent sur la provenance des matériaux, les méthodes employées, le traitement des humains derrière le projet.
En pratique, l’exemple du design graphique
Je suis designer graphique et mon travail consiste à accompagner les marques et entreprises responsables à faire valoir leurs valeurs à travers une identité visuelle réfléchie, et bien sûr, responsable. C’est un véritable choix à faire que de n’accompagner que des projets porteurs de sens, d’autres designers choisissent une autre voix. Ce choix de soutenir des projets qui ont un véritable but de faire avancer les choses pour un monde vivable, est un premier pas vers un design graphique responsable, mais ne suffit pas.
L’image de marque dont fait partie l’identité visuelle est un véritable atout pour les entreprises : elle crédibilise l’image et harmonise la communication. C’est donc un véritable levier pour les marques et entreprises porteuses de sens qui veulent se déployer tout en respectant leurs valeurs. Cela permet d’affirmer ses engagements au-delà du simple “dire”.
Dans la pratique, il s’agit donc de créer des identités visuelles (logos, couleurs, univers visuel, storytelling…) qui soient réfléchies selon les principes cités ci-dessus. L’idée est donc dans un premier temps de travailler de façon raisonnée et avec bienveillance avec mes interlocuteur.ices. Ensuite, c’est une recherche constante d’harmonie et d’équilibre : faire suffisamment pour que le projet puisse voir le jour et grandir, mais choisir peu de supports de communication, m’interroger sur la nécessité du packaging ou de la carte de visite, rechercher un imprimeur “vert” si besoin, etc.
Le petit plus derrière tout ça est de sortir des clichés écologiques tels que : “l’écologie, c’est brabant”, “c’est ennuyant parce que minimaliste”, “ça donne envie ces couleurs fades” et j’en passe. De ce côté, le design graphique permet de revaloriser tout ça en montrant que ça peut être fun ou poétique ou même ludique si c’est en accord avec la marque, c’est vraiment très créatif. Le tout est de rester cohérent.
Conclusion
Pour conclure, je dirais que le design responsable est une pratique riche et créative qui permet de réfléchir l’ensemble d’un projet d’un point de vue systémique et global. Bien entendu, ce n’est pas à 100% parfait, comme pour tout autre secteur responsable, mais il faut garder en tête de continuer de s’améliorer et de rechercher toujours plus de cohérence pour arriver à une pratique saine et soutenable.